Par Isabelle Darlow, Directrice Marketing/ Communication

Le 19 mars dernier, Nicolas Duhail s’élançait sur le parcours phare de l’EcoTrail de Paris : le 80 km qu’il court en 5h49. On n’arrive pas à une telle performance par hasard. Chez Oalia, nous sommes habitués à voir Nicolas arriver en vélo de course, s’entraîner chaque midi sur les quais de Seine ou dans le Bois de Boulogne. Sa fine silhouette chaussant une des multiples paires de baskets entassées dans son placard, on sent qu’elle doit davantage aux entrainements quotidiens qu’aux viennoiseries croquées lors des petits déjeuners à la Kfêt. Evidemment un tel exploit suscite non seulement l’admiration mais aussi de multiples questions. Merci à Nicolas d’avoir accepté d’y répondre.

BONJOUR NICOLAS, TU VIENS DE GAGNER L’ECOTRAIL DE PARIS 2022, MAIS CE N’EST PAS LA PREMIÈRE FOIS ?

Bonjour Isabelle. En effet, c’est la deuxième fois que je remporte l’EcoTrail 80km! Hasard du calendrier, c’était il y a six ans jour pour jour. En 2016, j’avais gagné à la surprise générale (et à la mienne également), tandis qu’à présent, mes adversaires me surveillent sur la ligne de départ. C’était ma quatrième participation sur le 80km : vainqueur en 2016 et 2022 et deuxième en 2017 et 2021.

QUELLES SONT LES SPÉCIFICITÉS DE CETTE COURSE ?

L’EcoTrail est vraiment un format particulier : « seulement » 1500m de dénivelé positif sur 80km. Cela signifie que, contrairement à un trail de montagne, il va falloir courir tout le temps. C’est un parcours qui n’offre aucun répit. Beaucoup de participants ont tendance à sous-estimer cette épreuve, mais elle demande une préparation toute particulière. Autre particularité de cette course, l’arrivée au premier étage de la Tour Eiffel. Quelques 300 marches pour finir en apothéose !

 

NICOLAS DUHAIL VAINQUEUR DE L’ECOTRAIL DE PARIS POUR LA DEUXIEME FOIS

« Tout le monde part beaucoup trop vite. Et comme je suis joueur, je veux bien entendu rester dans le groupe de tête, quitte à le payer par la suite. »

LA DISTANCE NOUS PARAÎT VERTIGINEUSE, COMMENT SE PRÉPARE-T-ON À UN TEL EXPLOIT, MENTALEMENT ET PHYSIQUEMENT ? 

C’est vrai que 80 kilomètres ça peut sembler long, mais il y a quand même 1700 finishers cette année (15% d’abandons). Sachant que les derniers mettent environ 13 heures (mais ils ont la chance d’arriver sur la Tour Eiffel illuminée). Pour arriver au bout, il faut évidemment un minimum de préparation physique et une bonne hygiène de vie. L’important pour bien encaisser les charges d’entraînement, c’est de bien dormir et bien manger ! Être capable de courir 80km, c’est difficile : il suffit de se positionner sur les quais de Seine et d’assister à l’arrivée des participants pour constater leur état de fatigue. Beaucoup finissent en marchant. À l’entraînement, il faut se farcir un paquet de kilomètres pour pouvoir concrétiser le jour J. Plusieurs types de séances sont nécessaires : sorties longues, piste, côtes… En parallèle, je fais également pas mal de vélo : cela me permet de varier les plaisirs et d’éviter les blessures causées par les chocs de la course à pied. Mentalement, il faut être prêt à subir quelques coups de mou pendant la course, c’est inévitable. De plus le parcours de l’EcoTrail n’est pas le plus joli que je connaisse : certaines portions peuvent sembler interminables et la solitude peut entraîner l’abandon.

QU’EST-CE QUI T’A AMENÉ VERS LA COURSE À PIED ?

J’ai commencé à courir en 2011, lors de mon arrivée en école d’ingénieur, en essayant diverses associations sportives. Mes deux frères pratiquaient déjà la course à pied donc j’ai voulu essayer, et j’ai tout de suite accroché.

COMBIEN DE COURSES EFFECTUES-TU PAR AN ?

À mes débuts, beaucoup trop ! Puis après quelques blessures, j’ai réduit le nombre de compétitions. On va dire qu’en moyenne, chaque année, je participe à 1 ultra-trail (supérieur à 100km), 2 ou 3 trails moyenne distance (entre 50km et 100km), et une dizaine de courses plus courtes.

QUELLE EST TA DISTANCE PRÉFÉRÉE, TON TERRAIN PRÉFÉRÉ ET POURQUOI ?

Pour le moment, je suis plus à l’aise sur les formats longs, entre 80km et 100km. Mon point fort est l’endurance. Je n’ai jamais fait plus de 125km pour le moment, mais j’essaierai un jour le format 160km. Malgré tout, de temps en temps, j’apprécie un bon 10km sur route pour débrider le moteur ! Mon terrain préféré n’est peut-être pas celui où je suis le plus performant, mais j’aime la montagne. Les paysages alpins ou pyrénéens sont magnifiques, et le trail permet de découvrir des lieux dont je ne soupçonnais pas l’existence.

COMMENT ARRIVES-TU À GÉRER TON EFFORT SUR UNE AUSSI LONGUE DISTANCE ?

Au bout de 4 participations à cette épreuve, je commence à bien connaître le parcours. Malgré tout, je finis toujours à l’agonie dans les derniers kilomètres, tant l’effort est violent. Le problème de l’EcoTrail est que les premiers kilomètres autour de l’île de loisirs de Saint-Quentin-en-Yvelines sont très roulants, donc tout le monde part beaucoup trop vite. Et comme je suis joueur, je veux bien entendu rester dans le groupe de tête, quitte à le payer par la suite. Au final, la victoire revient à celui qui faiblit le moins !

 

nicolas duhail

« Je n’écoute jamais de musique quand je cours. Je suis toujours à l’écoute de mes sensations, concentré sur mon effort. »

 

A QUOI PENSES-TU QUAND TU COURS ? QUELS SONT LES MOMENTS LES PLUS DIFFICILES ?

Contrairement à certains coureurs, je n’écoute jamais de musique quand je cours. Je suis toujours à l’écoute de mes sensations, concentré sur mon effort. J’aime observer l’environnement qui m’entoure et être attentif aux petits détails que la nature nous offre. Les moments difficiles, ça peut arriver plusieurs fois pendant une course, mais c’est mieux quand ça arrive le plus tard possible ! Quand les jambes ne répondent plus aussi bien qu’au départ, et qu’on sait qu’il reste encore de nombreux kilomètres, c’est là qu’il faut serrer les dents et s’accrocher à des pensées positives.

AS-TU LE MÊME RYTHME TOUT AU LONG DE LA COURSE ?

J’aimerais bien mais malheureusement non. Comme je l’ai mentionné plus haut, le départ est toujours trop rapide à cause du profil de la course. Ensuite, lorsque les premières côtes font leur apparition autour des étangs de la Minière puis aux environs de Meudon, c’est là que le peloton se calme et le rythme devient plus raisonnable. Sur l’EcoTrail, il faut mieux se préserver dans les côtes pour pouvoir relancer sur les portions plates. Après le dernier ravitaillement à Saint-Cloud, le profil est de nouveau plat sur les quais de Seine jusqu’à la Tour Eiffel. Mais à ce moment-là, peu de concurrents sont capables de courir aussi vite qu’au départ. Il est alors temps de jeter ses dernières forces dans la bataille.

parcours de l'écotrail de Paris

PRATIQUES-TU D’AUTRES SPORTS ET AS-TU PENSÉ À D’AUTRES DISCIPLINES COMME LE TRIATHLON ?

Je fais pas mal de vélo de route quand la météo le permet. C’est un sport que j’apprécie tout autant que la course à pied même si mon niveau est bien moindre. Cela me permet de découvrir des endroits encore plus éloignés de chez moi. Le triathlon, j’y ai déjà pensé, mais il existe un problème majeur : la natation. Dans l’eau, je suis une enclume, et à part la brasse, je ne suis pas capable de produire grand-chose dans une piscine.

QUELLE A ÉTÉ TA COURSE LA PLUS MÉMORABLE ? UN MOMENT ÉMOUVANT QUE TU SOUHAITES PARTAGER AVEC NOUS ?

Je me souviendrai toujours de mon arrivée au Grand Raid des Pyrénées en 2016 (120km), à 2 heures du matin dans les rues d’un village perdu. Seuls le speaker et quelques paumés étaient là pour m’accueillir, c’était magique ! Après avoir passé plusieurs heures tout seul dans la montagne, c’était bien agréable de retrouver un peu de chaleur humaine.

QUELLE EST L’AMBIANCE D’UNE COURSE ? TES RAPPORTS AVEC LES AUTRES COUREURS ?

Selon les courses, l’ambiance peut changer du tout au tout. Par exemple, sur certains trails de montagne, on peut se retrouver seul pendant des heures au milieu des chamois et des marmottes, parfois de nuit à la frontale. Tandis que sur d’autres courses, tout est fait pour que les spectateurs puissent accéder facilement à l’ensemble du parcours, et on a des encouragements en permanence. Tout dépend de ce que l’on recherche. Avec mes concurrents, c’est pareil, je n’adopte pas toujours la même attitude. Lorsque je suis au coude à coude pour la victoire ou le podium, c’est chacun pour soi, en essayant de lâcher l’adversaire coûte que coûte. Au contraire, il m’arrive aussi de faire course commune avec d’autres coureurs lorsque nous essayons de rattraper le groupe devant, ou bien lorsque nous sommes tous à la recherche du meilleur chrono sur un marathon par exemple.

ecotrail de paris

« J’aime observer l’environnement qui m’entoure et être attentif aux petits détails que la nature nous offre. »

AS-TU DÉJÀ COURU EN ÉQUIPE ?

J’ai déjà participé à des courses avec des coéquipiers, que ce soit en relais ou bien ensemble sur le parcours. J’ai par exemple participé au Marathon de Sauternes en relais avec mon frère Jonathan, où nous courions chacun un semi-marathon, et le dernier kilomètre ensemble : une très bonne expérience. Et pour citer une course en binôme, je recommande la Pierra Menta été, aux environs d’Arêches-Beaufort. C’est une course sur 3 jours, par étape, que l’on doit parcourir avec son coéquipier de bout en bout. On doit donc gérer les moments difficiles de l’autre en plus des siens. Ce qui est intéressant, c’est qu’on a le droit de tracter l’autre (avec baudriers et corde) : j’avais adoré ces moments de partage.

TU AS TOUJOURS L’AIR CALME ET POSÉ, QU’EST-CE QUE LA COURSE T’A APPORTÉ DANS LA VIE ?

Ma mère vous dirait que je suis bigorexique (addiction au sport), et c’est peut-être le cas. Mais la course à pied me permet de me sentir bien et apaisé. Si je rencontre un problème au boulot ou dans ma vie personnelle, un petit footing me permet de me vider la tête, et je suis plus à même d’y faire face à mon retour. La course à pied m’a aussi appris le goût de l’effort : se faire mal sans jamais lâcher le morceau. J’essaye d’appliquer ce principe dans ma vie de tous les jours.

TU SEMBLES AVOIR DÉJÀ ACCOMPLI BEAUCOUP, QUELS SONT LES PROCHAINS DÉFIS ? UN RÊVE (LIEU, DISTANCE) ?

Cette année, j’ai pour l’instant sélectionné 3 courses : l’EuskalTrail 130km fin mai dans le Pays Basque, l’Eiger Trail 100km en Suisse mi-juillet, et le Trail du Sancy 63km fin septembre. Je connais déjà la dernière (je recommande d’ailleurs l’Auvergne, superbe région), et j’ai hâte de découvrir les 2 autres. À plus long terme, il y a un paquet de courses auxquelles j’aimerais participer : l’UTMB et la Diagonale des Fous, ainsi que de nombreuses courses aux USA comme la Western States ou la Hardrock. Il y a également 2 formats que j’ai envie de découvrir : le 100km route, qui demande un effort bien régulier, tout comme un marathon ; le Last Man Standing : le principe est d’effectuer une boucle d’environ 7km chaque heure, tant qu’il y a des concurrents. Le dernier en course est le vainqueur, c’est une course d’usure.

Nicolas Duhail 1er arrivé en 5h49min46s entouré de Benedikt Offmann, 2ème et Yoann Stuck, 3ème 

vainqueur de l'écotrail

« C’est la deuxième fois que je remporte l’EcoTrail 80km! Hasard du calendrier, c’était il y a six ans jour pour jour. En 2016, j’avais gagné à la surprise générale tandis qu’à présent, mes adversaires me surveillent sur la ligne de départ. C’était ma quatrième participation sur le 80km : vainqueur en 2016 et 2022 et deuxième en 2017 et 2021. »

 

Merci de nous avoir invités dans ton univers le temps d’une interview. Nous sommes fiers de tes résultats et sacrément épatés aussi ! Ça va même peut-être en inspirer certains. On a vu notre DG gravir les sept étages à pied le matin… Bientôt les baskets aux pieds ?

« En effet, la dernière fois j’ai rattrapé Jean-Philippe dans les escaliers mais il n’a pas voulu faire la course jusqu’au 7ème étage. Je le soupçonne de préparer la montée des marches de la Tour Eiffel pour participer à l’EcoTrail en 2023 ! »