Par Maurice Hamoir – Directeur Business Development

C’est une rengaine que j’entends depuis maintenant trop longtemps, et ceci à chaque fois que j’évoque mon parcours professionnel … J’ai en effet commencé ma carrière avec 10 années dans la sidérurgie, et voilà maintenant plus de 10 ans que je navigue dans le monde des outils SaaS, et de ce qu’on appelle plus globalement l’Economie numérique. Or, beaucoup autour de moi s’évertuent à opposer ces 2 environnements, celui de l’industrie dite « lourde », et celui de la « French Tech », par définition plus branchée… L’une appartiendrait au passé, associée à des images de tradition, de solidité et de pérennité, et l’autre à l’avenir, autour de valeurs supposées plus modernes comme l’innovation, l’éco-conception ou l’entrepreneuriat.

A rebours de ces approches caricaturales, j’ai été enchanté de l’appel de Nicolas Dufourcq, Président de BPIFrance (Banque Publique d’Investissement ; un des acteurs essentiels du financement d’entreprises) en faveur de notre industrie Française et de son renouveau, il y a de cela quelques semaines. Dans une vidéo que vous trouverez aisément, celui-ci plaide notamment pour que nos industries puissent attirer de jeunes talents et que nos diplômés ne se concentrent pas uniquement sur les start-ups et autres GAFA … Il fait le constat que le poids de l’industrie, ramené aujourd’hui à moins de 12% de notre PIB, est inférieur de moitié à ce qu’il est chez nos voisins les plus proches, Allemagne évidemment, mais aussi Italie ou Espagne. Ce témoignage est d’autant plus inspirant qu’il émane d’un dirigeant de ce qui est souvent présenté comme une institution de la French Tech.

Etant moi-même le (fier) géniteur de jeunes issus de nos meilleures écoles, je constate que ceux-ci ont clairement délaissé les opportunités dans l’industrie. Tout est fait aujourd’hui pour les encourager à se concentrer sur les secteurs en vogue, essentiellement dans les services ou dans le numérique, rarement ou même jamais dans les produits manufacturés. On est loin du temps où il était obligatoire, avant d’intégrer son Ecole, d’effectuer un stage ouvrier, où il était recommandé de viser en priorité les grands groupes industriels pour s’inscrire dans un plan de carrière à 20 ou 30 ans ! Pour garder quelques chances d’enrôler ces jeunes ingénieurs, les survivants industriels du CAC40 doivent désormais inventer des mécanismes de fidélisation et de promotion express comme les très populaires « graduate programmes ».

Mais le renouvellement des cadres est loin d’être le seul obstacle qui se dresse sur le long chemin de notre redressement industriel. Dans un environnement saturé de l’actualité des géants de la Net Economie, dégoulinant de financements réservés aux modèles d’hyper-croissance, et nous donnant en modèle de vertu des entrepreneurs dont les valeurs sont inversement proportionnelles à leur capitalisation boursière, comment peut-on laisser une place à une industrie qui a déjà fait sa révolution et qui, elle, cultive un modèle durable, centré sur le Produit, et dont la valeur se bâtit sur une génération en moyenne ? Comment pourrait-on redonner du sens à une activité industrielle qui a si longtemps été décriée par nos élites culturelles et politiques, surtout en France ? Comment inverser cette tendance des 20 dernières années qui a vu la moitié de nos fleurons industriels, héritiers de notre politique ambitieuse d’après-guerre, disparaitre, se faire absorber par leurs concurrents directs, ou plus simplement émigrer vers des pays à la politique fiscale plus favorable ?

Je veux croire pour ma part aux possibles complémentarités entre ces deux mondes qu’on cherche à opposer. Je suis persuadé que leurs atouts peuvent être conjugués dans des projets conjoints, qu’une approche industrielle serait nécessaire pour donner plus de sens et de valeur à certains acteurs du numérique, et que les modèles de développement issus du numérique pourraient créer des approches de rupture chez des groupes industriels en panne d’inspiration. Je constate ainsi au quotidien que beaucoup de start-up, en dépit d’une offre originale et de moyens importants, sont en échec et disparaissent trop rapidement par manque de repères et de capacité de recul. Pour y parvenir, il faudra créer les conditions de possibles connexions, partenariats, parcours professionnels, et cela nécessitera plus que des jeux de miroirs entre la « French Fab » et la « French Tech ».

Pour conclure, je me félicite que la culture d’Oalia conjugue aujourd’hui ces deux facettes, en s’appuyant sur les profils ingénieurs de ses fondateurs, et en s’inspirant des meilleures idées et innovations de notre secteur. Et je ne suis pas surpris que nous rencontrions un succès particulier auprès de nos clients industriels, avec qui nous partageons certaines de ces valeurs. Sachons cultiver cette double appartenance qui nous permettra de relever les défis qui nous attendent.